vendredi 10 février 2017

JUMEAUX, MENDICITÉ ET TRADITIONS AFRICAINES

JUMEAUX, MENDICITÉ ET TRADITIONS AFRICAINES

     Nous assistons avec  amertume, dégoût, déshonneur et pitié à plusieurs scènes de mendicités dans les rues, les marchés et surtout devant les mosquées. La scène la plus déplorant est celle dans laquelle sont exposés des jumeaux.
Des bébés ou des enfants accompagnés de leur mère. Tous, exposés au soleil, à la pluie, à la poussière, à l’insalubrité et aux maladies. Quand l’on demande à ces dames, mères de ces jumeaux, la majorité affirme que : « selon leur tradition, si les jumeaux ne quémandent pas, ils ont de forte chance de mourir au jeune âge. Soit, ils peuvent tomber malade ou même une malédiction peut frapper leur famille» ou encore " dans nos traditions, certains de ces enfants exigent que leur mère mendie". Pourtant, il y a des jumeaux qui naissent et qui ne vont jamais dans la rue pour mendier  mais qui vivent longtemps.

TRADITION ET MENDICITÉ

Mais que disent nos traditions au sujet de la mendicité en générale et celle des jumeaux en particulier ?

1 MENDICITÉ EN GÉNÉRAL

     En effet, la mendicité de manière générale est bannie dans nos sociétés traditionnelles et même haï par nos traditions. Parce que certaines valeurs non négociables de l’Africain traditionnel sont : la dignité, la parole, l’honneur, l’honneur de la famille, etc. Or la mendicité vue par nos sociétés est un acte ignoble, dégradant, déshonorant. C’est un acte de paresse et d’oisiveté. Il est formellement interdit de mendier.

     Dans nos villages, des traditions autorisent quiconque constate qu’aucune fumée ne provient de la cuisine d’une famille, de la dénoncer. Et le chef de famille est convoqué pour donner des explications. Il donnera les raisons qui empêchent son épouse de préparer de la nourriture. S’il s’avère que c’est pour des raisons de paresse, son épouse peut lui être retirée. Et les traditions interdissent toute la communauté de lui donner une autre femme en mariage. (Juste pour démontrer à quel point les traditions sont contre l’oisiveté). Point de mendicité, tous au travail.

     Selon même la tradition : mendier, c’est accepter de recevoir et de supporter  les malheurs des autres. Car celui qui sollicite un mendiant, vient  juste échanger ses malheurs contre des bénédictions. C’est pourquoi encore la tradition banni la mendicité.

2 JUMEAUX ET MENDICITÉ

     Pour ce qui concerne la mendicité avec les jumeaux. En effet, avoir un enfant en Afrique est une joie immense, avoir deux ou plusieurs en seul accouchement est un bonheur incommensurable.
     En Afrique de l’Ouest, d’abord, la mère de jumeaux est considérée comme une élue de Dieu. Celle qui a donné la vie à des êtres qui auront une grande destinée et fait l’objet de bien des attentions. Elle est vue comme une sorte de « trophée » suite à une grande « victoire ». Ensuite, elle doit se promener avec ses jumeaux, les montrer à tout le monde et faire une quête sacrée (une seule fois. Souvent le jour du marché où il ya beaucoup plus de monde). On bénit aussi les enfants, on pratique des rites pour les fortifier. Chacun non seulement pour démontrer son adhésion à la joie de la famille, mais aussi pour le respect des jumeaux offrent des présents à la mère et aux enfants. C’est tout.

     Par ailleurs, dans nos traditions, les jumeaux sont considérés comme des êtres aimés et bénis de Dieu. Des êtres dont les prières et les bénédictions sont vite acceptés par le Seigneur des cieux. Alors, en leur donnant des cadeaux, l’on fait plaisir à l’Être suprême, à Dieu et reçoit en retour l’estime de celui-ci. C’est pourquoi, ces êtres génétiques et morphologiques généralement identiques sont presque vénérés dans la tradition africaine  qui les considère comme une divinité.

     La solidarité africaine n’est pas à négliger. C’est le cas de tous les enfants. Dans nos traditions, l’éducation de l’enfant incombe à toute la société. Éduquer, nourrir et blanchir un nouveau-né est presqu’un fardeau pour les géniteurs. Quand ils sont deux ou trois ou quatre, les charges se multiplient encore plus. Alors dans un élan de solidarité la communauté vient en aide à la famille. Dans le cas des jumeaux, elle reçoit en retour des bénédictions particulières. C’est pourquoi les gens préfèrent donner aux jumeaux. (Alors nous revenons toujours à la solidarité africaine : le  partenariat gagnant-gagnant).
     N’oublions pas que dans nos traditions, le droit à l’éducation et à la protection sont les droits les plus absolus pour tout enfant. Ce n’est pas en étant dans la rue que l’enfant va avoir une bonne éducation.
     En dehors de ces différentes manifestations de foi, de partage, de recherche de bénédiction, aucune tradition ne demande à une famille de perdre sa dignité, son honneur et surtout son prestige d’avoir des jumeaux en allant mendier, exposant constamment ainsi des enfants bénis de Dieu dans l’insalubrité physique, spirituel, moral etc. c’est même un blasphème.

3 LA MAUVAISE FOI  ET LA RECHERCHE DE GAIN FACILE AU NOM DE LA TRADITION

     Des citoyens ont décidé de faire de la mendicité un fonds de commerce et d’affaire sur le dos de la tradition. On n’est même plus surpris de se faire copieusement injurié par des mendiants qui estiment que la valeur de l’aumône n’est pas à  la hauteur de leurs attentes.
Quand aux femmes avec les jumeaux, certaines vont jusqu’à louer des enfants. C’est avec une immense consternation que j’ai pu découvrir ce business honteux : la location de jumeaux de 1000 à  5000F par jour. Cela peut paraître inimaginable et pourtant c’est la triste réalité. Des familles vont jusqu’à  louer des jumeaux ou même de « faux » jumeaux. Quelle est donc la tradition qui stipule ces choses dans ses lois ?

     il est vrai que chacun est libre de l’orientation de sa vie, mais de grâce ne bafouons pas nos traditions pour nos intérêts égoïstes. Cherchons à mieux connaitre nos valeurs traditionnelles, coutumières et culturelles. Sinon la mauvaise interprétation, les abus volontaires et involontaires et l’ignorance des traditions bafouent notre dignité et font honte à nos ancêtres. Connaissons et domptons nos valeurs. Elles nous mettrons au travail et faciliteront notre épanouissement politique, économique et social.

Je vous remercie
SEYDINAN Chérif Ahmed
Activiste culturel

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