vendredi 10 février 2017

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET TRADITIONS AFRICAINES

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET TRADITIONS AFRICAINES


     Depuis la présence des Arabes et des Occidentaux sur le continent noir, d’abord, par le biais de l’invasion de l’Egypte antique par les Grecs, les Romains et les Perses, ensuite de l’esclavage arabe et l’esclavage occidental et enfin par la colonisation et la néo-colonisation occidentale, nous constatons la « modernisation » pour ne pas dire « l’occidentalisation et l’arabisation » de la société africaine.

Ce changement agressif des organisations sociales africaines a aujourd’hui pour corolaire l’amertume réalité de l’infériorisation, de la banalisation, de l’animalisation, de l’humiliation de la femme africaine. En un mot l’apparition dans nos sociétés des violences faites aux Femmes.
Ces violences se manifestent de diverses formes des plus silencieux au plus bruyants, notamment :
- L’excision
- Le harcèlement sexuel
- L’esclavage sexuel
- La sexualité des femmes avec les animaux
- La violence verbale et physique
- Les chantages et abus de pouvoir
- Les viols sexuels
- La prostitution et la traite des fillettes
- Les rituels d’enrichissement avec des organes de femmes
- L’homosexualité (mariage entre homme au détriment de la femme)
- Le mariage précoce et / ou forcé
- Les panneaux publicitaires exposant le corps de la femme
- Les élections Miss (Miss postérieur, Miss poitrine….)
- Les chansons obscènes dégradant la femme (exemple : la chanson « approcher regarder, il y a des kpètou de 200 f et de 300 f… » du groupe Kiff no Beat en feat avec Dj Arafat. La chanson « au lit » de Molare, etc
La liste est malheureusement encore longue et même très longue. Aujourd’hui, la femme est devenue un simple objet de plaisir, de publicité, de marketing…..  Certaines femmes dites intellectuelles défenseurs des droits de la femme et au nom d’un prétendu droit de la femme se réjouissent de ces traitement ignobles et de mépris à l’égard de la femme.

     Toute culture qui animalise, déshabille et humilie la Femme est à bannir.
Par contre, toute culture qui élève la Femme, la glorifie, la magnifie et lui rend hommage chaque jour est à promouvoir. D’où la promotion des vraies valeurs traditionnelles africaines. C’est cette philosophie qui devrait en réalité être le cheval de batail de ces dames-là.

Que disent les traditions africaines au sujet de la Femme ?

     Une fois encore, nous allons nous référer à nos langues en les interrogeant. En effet, nos langues maternelles sont des codes politiques, économiques, scientifiques, culturels et sociaux. Leur parfaite connaissance nous permettra de mieux vivre dans ce monde où la perversité est roi.

     La langue que je maîtrise la mieux est le malinké. Ma langue maternelle, la langue officielle de l’Empire Mandé. Le nom Mandé lui-même, composé de deux noms, fait référence et rend hommage à la femme. « Man » qui signifie Mère et « Dé » qui veut enfant. Mandé signifie alors en français, les enfants de la mère. Depuis-là déjà, la femme est mise en avant et au-dessus de tout par nos traditions.

     Je vais donc commencer mon exposé par l’explication du nom de la femme dans ma langue et donner d’autres codes liés à elle. En effet, en malinké, les noms de la Femme sont exprimés par des exclamations interrogatives, notamment : «Mousso" et "Moussogoloh". D'abord, le nom "Mousso" en français, "Mousso" veut dire: quelle demeure! Quelle concession! Quelle résidence? Quelle maison? Oui, maison dans le sens du secret, de l'abri et du repos, de la protection, la sécurité et de la paix.
Ensuite, le nom "Moussogoloh" est aussi un questionnaire et surtout l'expression d'un étonnement, d’une exclamation de joie, de bonheur. Dans la langue de Molière, "Moussogoloh" signifie: quelle douce chair? Quel être aimable? Quel physique extraordinaire? Quelle âme de rêve! Quelle créature incommensurable et incomparable! Oui créature dans le sens de la beauté, de l'élégance et de la séduction, de la galanterie, du sublime et surtout de l’humilité.

     En effet, dans notre culture la Femme est considérée comme celle qui garantie la sécurité de l'homme, de la famille et de la société. Elle rend heureux l'homme, l'équilibre moralement et spirituellement. Elle assure sa satisfaction physique et mentale. En somme, elle apaise l'homme et régularise sa santé spirituelle.
La place de la Femme dans notre société est indescriptible en ce sens que pour responsabiliser et équilibrer un homme, on lui donne une femme comme épouse. C’est pourquoi, nom famille en malinké, notamment Badéya fait référence à la femme. Badéya est donc composé de deux noms. « Bah » la mère (la femme) et « Dé » l’enfant. Badéya signifie : la famille composée du père, de la mère et des enfants.

     En malinké, les réponses à toutes les salutations et actes de bravoure sont encore référence et rendent hommage à la femme.
Ainsi, quand on salue une Femme (le matin ou le soir ou la nuit), elle répond par: n'sééh (n'sééh veut dire: mon pouvoir, mon œuvre). C’est ainsi, la Femme rappelle en toute humilité et dans la joie son pouvoir social, spirituel, moral et humain sur toute l’humanité. Car grâce à elle et à son pouvoir la société existe.

     Quand on salue un homme (le matin ou le soir ou la nuit), il répond par : m'baah (m'baah veut dire: ma mère). Ainsi donc, l'homme rend, à chaque salutation avec fierté hommage à la Femme (la mère). Et il s'incline devant son pouvoir en reconnaissant être le fruit de son œuvre, de l’œuvre de la femme.

     La liste des mots, des noms et des codes qui expriment la grandeur de la femme dans nos traditions malinkés est très très longue. Mais je vais terminer mon décodage par un autre nom très important. Il s’agit du nom donné à la richesse, à la fortune. En malinké, la fortune (argent, or, diamant, maison, voiture, bétail, terre..) veut dire Nanfolo. Le nom « Nanfolo » est composé de deux noms : « Nan » qui veut dire : maman, la mère (la femme) et du « Folo » qui signifie : premier, d’abord, avant. Alors Nanfolo, veut tout simplement dire : la maman d’abord, la maman est bien avant, la femme est la première fortune. En somme, Nanfolo en malinké veut dire qu’aucune richesse ne vaut la femme. Aucune fortune n’est plus importante que la femme. La femme (nos mères, nos épouse, nos filles) est au-dessus de toute considération et la première de / en tout. C’est pourquoi l’expression de la douleur, du mal et de la blessure en malinké nous renvoi encore à la femme. Blesser en malinké veut dire : Mandimi. Mandimi est composé de deux noms : « Man » qui veut dire : maman, la mère (la femme) et du nom « dimi » veut dire : être fâché. Le nom Mandimi (le verbe blesser) en malinké veut : mettre en colère la maman (la femme).

     Africains, Africaines, notre culture (à travers nos langues) par cette humilité de la Femme et cette sagesse de l'homme démontre toute sa beauté, sa galanterie, sa modernité, sa séduction et toute son élégance à l'égard de la gente féminine. Et j'en suis énormément fier. Mieux, on découvre sa propre culture, mieux on se sent libre, et on réalise ses propres qualités d'homme. C’est pourquoi, il est impératif pour nous, africains de connaitre nos valeurs culturelles, gages de notre développement économique et social.

     Pourquoi donc les violences faites aux femmes sont récurrentes dans nos sociétés ?  Pourquoi aujourd’hui, l’homme africain, voire  « la tradition » africaine brille par les violences faites aux femmes ?

Revisitons un temps soit l’impact des différentes invasions de l’Afrique par les forces (militaires, politiques, culturelles et surtout l’argent) étrangères (Grecs, Romains, perses, Arabes..). Je vais juste citer quelques-uns, notamment :

- Les premières opérations de la mutilation génitale de la Femme ont été effectuées et introduites dans nos sociétés africaines par des peuples Eurasiatiques.
- Les grecs antique tuaient et jetaient les bébés (enfants) filles dans les ordures à la merci des charognards.
(Nous avions au départ le pouvoir matriarcat dans la quasi-totalité des sociétés africaines, ce sont donc les peuples eurasiatiques qui ont introduit le patriarcat en Afrique, d’où la mise en second plan de la femme au profit de l’homme)
- Les esclavagistes arabes ont pratiqués et introduits dans nos sociétés les violences physiques et sexuelles sur la Femme. Ils ont pratiqués l’esclavage sexuel et l’ablation des parties génitales de la Femme.
- Les esclavagistes occidentaux ont pratiqués la violence sur la Femme à travers les razzias. Ils ont éventrés des Femmes enceintes. Ils ont enchainés, battus, torturés, mis en esclavages et ont violés des millions de Femmes africaines (en Afrique, lors des traversées et dans les champs en Amérique).
- Les esclavagistes ont contraint des milliers de femmes noires à l’auto-violence, notamment les avortements volontaires, les automutilations….
- Les colons occidentaux ont contraint des Femmes aux travaux forcés. Ils ont violentés et violés. Ils ont battus au fouet de nombreuses épouses et mères devant les siens.
La liste des actes barbares, des actions immorales, des traitements inhumains à l’endroit de la Femme africaines, perpétués par ces sauvageries étrangères ont malheureusement influencés des africains, voire les sociétés africaines post coloniales. A cela, il faut ajouter la dégradation politique, culturelle et sociale de nos sociétés.

     La démonstration a été faite plus haut, que les Africains grâce à la considération, au respect qu’ils ont pour la Femme, leur mère, ne peuvent être aussi violents à l’origine. C’est pourquoi, il est nécessaire pour nous, africains de maîtriser nos valeurs culturelles, à travers  nos langues maternelles, car non seulement elles sont belles et profonde, mais aussi, permettent de mieux cerner nos réalités traditionnelles. Celui qui maitrise ses valeurs, ses réalités et ses besoins socio-culturels peut répondre qualitativement à l’intrusion de toute force étrangère dans sa société. Nous sommes à l’heure de la mondialisation, n’y allons pas dépouiller de nos valeurs. Allons donc sans aucun complexe à ce rendez-vous du donner et du recevoir avec notre intelligence, notre capital humain et notre capital culturel.



Seydinan Chérif Ahmed
Activiste culturel

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